Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/262

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de la substance de l’autre, de cet autre qu’il ne connaissait pas et qui lui ressemblait tant  ! la dernière énergie du prisonnier qui, à cette heure, dans sa cellule, pouvait encore braver ses gardes et se dire  : Ils ne m’ont pas tout entier  !

—  Viens… je t’en prie… Robert  !

Et, forte de son amour et de sa terreur, Mariette se cramponnait à lui, luttait contre l’attirance mauvaise, le retenait  : telle une solide racine noue aux terres glissantes de la rive l’arbre courbé sur l’eau.

Il céda  : le retrait de sa chair devant le gouffre, le sentiment obscur de la conservation et l’embrassement de Mariette l’emportèrent sur la gravitation fatale. Il sentit que cette chose angoissante et lourde le quittait. Et elle tomba, elle se détacha de lui, comme un fruit trop pesant quitte la branche sous l’action de sa seule masse  : un bruit sourd, des rejaillissements, un grand cercle élargi, multiplié, phosphorescent, vite effacé dans le courant, marquèrent sa chute. Et le fleuve la but. Robert éprouva, en un frisson glacé, la secrète horreur de son immersion  ; il sentit qu’elle coulait,