Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/290

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Quelques nourrices processionnèrent : des filles fortes aux yeux de Junon, marquées de taches de rousseur, des tailles corpulentes sous la rotonde uniforme, des créatures saines, venues de leur province après la faute, tombées à l’esclavage indolent, semblables entre elles et payses sous la livrée, étalant le luxe de leur santé à côté des mamans à poitrine pauvre. Elles apportaient une force vitale sur le sol stérile de Paris, une réserve d’espoir ; elles opposaient leur sereine inconscience à la fièvre maligne des idées, aux calculs et aux passions éduquées lisibles sur d’autres visages ; elles éclairaient le paysage citadin d’une lumière de nature.

Meyrargues et Laure, cédant au tacite conseil des villageoises lentes et épanouies, regardèrent passer le monde ; encore émus de ce qu’ils s’étaient dit, ils cessèrent de se confronter et de se heurter en des froissements crissants.

Ils marchaient, pénétrés des finesses du soir dominical.

Le ciel pâlissait, poussiéreux d’atomes nouveaux, se perdait, brusquement coupé, derrière