Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/299

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bouche que nul fruit n’avait adoucie. Elle aurait pu être sa consolation. Quelle idée ! Pour combien de temps ? Et ensuite ? Après l’épisode fatal eût-elle retrouvé cette fierté qui était sa force ? Sans doute elle eût goûté quelque joie à se dévouer. Mais pourquoi se dévouer ? Il ne faut pas. Une autre avait tenté l’épreuve inutile. Et pourtant cette fille était de celles qui plaisent et qui attachent, jouet précieux, le délassement du guerrier… Meyrargues lui trouvait une âme fondante.

Par comparaison, Laure doutait d’elle-même. Son apparente vaillance et la conscience nette qu’elle avait de l’antagonisme des sexes cachaient une timidité secrète, la peur de n’être pas assez forte autant qu’un manque de vocation amoureuse.

Elle s’étonnait cependant que Robert pût écrire à Meyrargues sur le ton amical, sans ironie et de confiance ; elle s’inquiétait de cette indifférence, s’alarmait de cette camaraderie. Comment n’avait-il pas vu que Meyrargues était son rival ? Renonçait-il aussi son amour et la jalousie ? S’effaçait-il devant un autre, et pourquoi ? — Fi ! le lâche qui ne sait pas vouloir !