Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/301

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la dégusta lentement, à petites gorgées, comme un roman sans intrigues ; elle en prolongeait les phrases d’une marge ; elle en peuplait sa nuit d’images et d’hallucinations lucides.

À mesure qu’elle avançait dans sa lecture, il lui semblait que son ami s’éloignait et qu’elle ne le reverrait plus.

La distance indiquée du seul cachet de la poste se précisait. C’était un long chemin dévalant, une perspective qu’il animait.

À mi-côte s’ouvrait une auberge parmi des bosquets et des treilles ; et dans cette auberge il y avait une chambre carrelée avec une table de noyer couverte de mouches — une table et deux chaises. Sur la cheminée de bois peint une grappe de raisin mordue attirait les guêpes d’automne. Entrerait-il dans cette guinguette ?… Non, il passait.

Elle se tenait debout sur la colline de platanes élancés ; elle se voyait, vêtue de noir dans le crépuscule ardent, toute simple en sa robe évasée, avec un petit mouchoir sec tamponné dans sa main nerveuse. Il se retournait, il lui souriait, il l’appelait trois fois par son nom, Laure !… avec une douceur insistante et