Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/326

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Ces étals — lys, violettes, œillets charnus, rosés et tubéreuses —l’illuminaient d’un sourire tendre ; cette senteur diluée de magnolias, de vanille et de citrons avait pour lui la force d’une philosophie. Il ne se reprochait plus rien : fini de souffrir bêtement.

Le long du cours Saleya bourdonnaient autour de lui les invites des marchandes, le pourchassement des porteuses ; une mansuétude le frôlait avec les Génoises aux tailles massives ; il suivait d’un œil amusé les gamines en savates balançant sur leur tête maigre la manne des étrangères en carrick, débordante d’une opulente moisson. Le marché aux poissons le voyait passer, tel un Alcibiade sous les portiques de la sereine Hellade, sensible aux humidités des fruits de mer, attentif aux luisants des algues et des écailles. Il aimait le débraillé des marinières, leur accent coloré, leur corpulence épanouie, trônante parmi les émanations iodées du fumier marin.


Dans ces heures bénies de désœuvrement, les plus actives qu’il eût moralement vécues, il échappait aux enseignements, aux prédications,