Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/338

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Vers minuit, il prit le chemin qui longe la côte jusqu’à Menton, et marcha longtemps parmi les bosquets de jasmins et de citronniers. Il vit s’éteindre derrière lui les dernières flammes terriennes ; seuls les feux colorés des yachts luisaient encore dans l’ombre des criques comme des yeux de loups.

Il s’assit sur la roche, parmi les tamaris d’une baie, devant la Méditerranée scintillante et vivante dans sa robe d’étoiles et de phosphores : il goûtait son triomphe, sa soirée, son destin, s’enivrait à la coupe universelle, s’anéantissait dans la béatitude des choses ; la respiration du large gonflait ses poumons ; il était l’élément libre, la mer !

Une plume de coq noir, ramassée en chemin, frissonnait à son feutre.

Mais un frétillement de cailloux et de feuilles dans les arbustes épineux lui fit retourner la tête. Une toison frôla ses genoux ; un souffle chaud, une langue humide adoucirent sa main. C’était un chien perdu, une pauvre bête malade, chassée, suant la mort et la peur, toute rampante, chair vive et pelée, un de ces caniches sordides qui s’attachent parfois aux pas des