Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/37

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c’était la petite bourgeoisie d’en bas, laide, épaisse, amorphe, celle qui remplit les cafés de ses ventres, qu’il fallait frapper.

Ainsi son âme vertueuse de terroriste commentait d’une fantaisie démente la fumée d’une cigarette trop sèche, et calculait l’effet moral de la foudre.

Un petit vieillard glabre et poupin vint s’asseoir à sa table, l’œil perspicace, la face remuée d’un léger tic, le front solide et bien sculpté. Robert le regarda froidement, en pensant : « Devine-moi ; le danger social palpite sous le voile de mes yeux ; mais qu’en sais-tu, vieillard au sourire aigu ? »

Et il s’approfondissait dans la conscience de son rôle de héros masqué, tranquille, ignoré parmi la troupe ennemie ; il se possédait dans un sentiment de haute lutte et de prudence. — Le grand lys funèbre, qui s’était levé au jardin de ses volontés, fleurissait solitaire, astral.

— Vous permettez ? dit le vieillard après avoir mouillé son absinthe.

Et il avança vers les journaux repliés une main noueuse et longue.