Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/58

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où, petit enfant malade, le front posé sur la gorge de sa mère, il eut la première sensation d’une chair tiède, aimante et douce à sa fièvre.

Depuis longtemps son cœur crispé ne s’était pas attendri aux impressions familiales. Les bonheurs domestiques ne l’avaient pas englué ; souvent, il avait critiqué caustiquement la vie de foyer et cette torpeur qui prend les hommes de trente ans, les mène à se fixer, à faire souche, à vivre pour d’autres en tuant leurs plus beaux instincts. Il n’avait jamais admis la rencontre possible sur sa route d’un être inconnu et parent, qui s’imposerait à lui mystérieusement par la tyrannie de la faiblesse ; il y pensait moins que jamais depuis que d’autres idées le passionnaient. Cependant il jouissait de cet intérieur honnête sans banalité, où tout à coup il était entré comme de plain-pied au sortir de la rue, convive occasionnel appelé des ténèbres froides par un caprice amusant et royal. Il lui semblait qu’il avait laissé toute sa morgue et son éloignement du monde avec son manteau aux mains pures de la jeune fille. Il regardait Laure avec complaisance, sans désir, sans amour, apaisé ; et ce n’était qu’un reflet,