Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/64

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Robert n’essaya pas de riposter. Il était évident pour lui que la famille Vignon tenait à n’avoir sur la société que des aperçus de fenêtre et ne se préoccupait en aucune façon de l’évolution générale.

Ils avaient su s’isoler dans la mêlée ; loin de la foule ils s’étaient créé un petit monde de rêves et d’affections aux perspectives lointaines. Cette attitude à part dégageait une beauté philosophique qui n’échappait pas à Robert, un bon sens malicieux aussi.

Le vieil organiste n’était peut-être pas un musicien de génie — Robert se posait la question — mais à coup sûr un égoïste supérieur ; grâce à sa méthode, il pouvait en toute paix intérieure bénéficier de l’adoration de sa femme et de sa fille et de la curiosité qui s’attachait à son nom, exister noblement pour lui-même et pour elles, et négliger le tic-tac de l’horloge en travaillant à une œuvre que jamais la foule n’aurait à juger. Par ainsi, nul mécompte n’était à redouter. Cet homme était vraiment arrivé, il ne pouvait pas déchoir, il était libre.

Et Robert ne pouvait s’empêcher de l’envier.

Alors, par un retour sur soi-même, il souffrit