Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/65

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de sa propre agitation, si vaine ; il douta de l’utilité de son héroïsme.

Pourquoi se sacrifier, fût-ce à une idée ?

Une pensée de faillite l’angoissa en suivant au salon le vieillard alerte pendant que Laure et sa mère levaient la table du dîner.

Il n’accorda après cela qu’une attention distraite aux coquetteries de M. Vignon allumant les appliques du piano, ouvrant des placards profonds, pleins de reliures sombres, feuilletant sur la console des manuscrits lourds comme des missels ; encore moins écouta-t-il les réflexions sur la musique où l’artiste se complaisait au lieu d’éveiller l’âme de la fée. Résigné à subir l’épreuve de la partition, il pensait à la fille du musicien ; il se disait que le vieil original était bien capable de sacrifier cette existence à ses idées, ruminait que plus ou moins les pères sont toujours saturniens :

Laure était l’innocente immolée à l’art despotique ; on lui laissait ignorer la vie, ses repos, ses pelouses.

Il sentait bien toute l’absurdité de la réaction qui le poussait, humilié dans sa foi, à chercher quand même et partout une victime