Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/67

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nous entraîne par son rythme : c’est le rôle de la musique.

— Vous êtes musicien, monsieur Vignon.

Le vieillard exhibait ses manuscrits : trois symphonies, des quatuors, deux messes, un oratorio, Le Calvaire, et la partition compacte de Mélusine, aux arabesques d’instruments sur un format long à l’italienne. Il les faisait valoir, tel un bizarre et sautillant marchand juif vantant ses orfèvreries. Robert devait soupeser les cahiers massifs, constater les dessins d’orchestre, apprécier le caractère des mouvements et des groupes d’accords chiffrés d’encres différentes ; des thèmes étaient fredonnés, des harmonies plaquées nerveusement au piano ; des puretés de lignes et un impressionnisme inouï de taches vibrantes se dégageaient de cette paperasse.

— Mon œuvre n’est pas colossal, mais le grain en est serré. J’ai travaillé comme un égoïste, je n’ai rien su de ce qui se passait autour de moi ; je suis trop sensible, vous comprenez…

Il s’arrêta et regarda Robert qui lui souriait avec complaisance. Il avouait donc ?

— Savez-vous que ma fille court le cachet ?