Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/69

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Américaines qui feraient le voyage pour m’approcher. Nous donnerions des dîners. Vous en seriez, Robert, et tous vos amis, la jeune littérature et la vieille chronique : on y verrait des princesses et des modèles, des socialistes et des banquiers ; ce serait très lancé ; on n’aurait pas besoin de me prêter des mots, j’en ferais ; j’aurais le succès de Rossini et son esprit… Ah, si j’étais un bon père de famille !

Ces ironies faciles ne prouvaient point le génie musical de M. Vignon, mais Robert y sentait une sincérité, et il se disait : « Voilà un avare d’une espèce rare. »

Le vieillard insista :

— Ces feuillets représentent une fortune — et la gloire. Hein ! c’est quelque chose, ça ? Eh bien, je les garde pour moi, ils ne sortiront pas d’ici, ils ne traîneront ni sur les comptoirs des éditeurs ni dans les secrétariats ; je continuerai à m’y regarder comme dans un miroir de treize sous, j’y rechercherai mes défauts et mes qualités, et non ceux de la foule. Si je me montrais au public, il me ferait ressembler à un singe.