Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/71

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croyait d’une essence supérieure et refusait de se mirer dans l’humanité. Mais en même temps il se vit lui-même et n’osa pas condamner M. Vignon, car il se disait : Ai-je passé parmi la foule simple et concilié à l’existence totale ?

Plus timide, doux, hésitant le vieillard laissa tomber :

— Et puis il y a les débuts…

Il se démasquait, montrait sa face éternelle.

— Il me serait pénible de débuter à soixante ans. Je n’ai pu achever ma Mélusine plus tôt — c’est une fille de ma maturité —, je n’ai pas pu. Maintenant j’ai besoin de croire jusqu’au bout ; celle-là non plus ne se mariera pas avec le public — un parti superbe pourtant ! Je la garde ; on la mettra sous ma tête dans la boîte de sapin. Robert protesta :

— Ce n’est pas sérieux, monsieur Vignon.

— Autrefois les chefs se faisaient enterrer avec leurs joyaux et leurs armes ; on immolait aussi leur cheval de guerre ; moi, je partirai avec ma musique, avec ma folie, avec mon dada. Ah, ah !

— Bon, je vois que vous plaisantez !