Page:Barrucand - Avec le Feu, 1900.djvu/72

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— Non, je trouve dans cette idée une singulière jouissance. Comment ne comprenez-vous pas cela ? Quelque chose de précieux disparaîtra du monde avec moi.

— Oui, oui, je comprends bien, murmura Robert, c’est le sentiment barbare de la propriété.

Et il pensa : on immolait aussi les femmes et les esclaves du chef.

— En tout cas, dit-il en manière de plaisanterie, vous êtes le guerrier qui refuse le combat.

Résigné et précis, M. Vignon répondit :

— Le mot ne convient pas ; je refuse les honneurs, le triomphe, ses papiers laurés et son amertume ; j’ignore le monde, « leur monde », il m’ignorera ; nous pouvons nous passer l’un de l’autre ; il y a des hommes, c’est la majorité, dont je ne me soucie pas ; en m’isolant, je les combats, je me refuse à eux, je ne veux pas leur prêter mon cœur pour y planter des épingles ; vous ne pouvez pas dire que je n’aurai pas vécu ; j’aurai vécu les émotions de mon art, les émotions de haute lutte de la conception, et j’aurai méprisé la gloire. Ma femme dit que c’est un mauvais calcul,