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Conspiration des Sophistes

raison et l’égalité de ces droits dans chaque homme.

Cette erreur peut faire secte ; l’histoire des Jacobins anciens démontre que la secte existoit depuis long-temps ; mais elle étoit rentrée dans les clubs souterrains à l’époque où Voltaire parut.

Cette erreur peut être celle de quelques individus. Il en avoit paru plusieurs de cette espèce dans les deux derniers siècles. De Luther et de Calvin il s’étoit formé un nombre prodigieux de sectes, qui attaquoient chacune quelque partie des anciens dogmes du Christianisme. Il s’éleva enfin des hommes qui, les attaquant toutes, ne voulurent rien croire. On les appela d’abord libertins ; c’étoit le seul nom qu’ils méritassent.

Voltaire auroit trouvé par-tout quelques-uns de ces hommes ; il en avoit trouvé sur-tout à Paris, sous la régence du Duc d’Orléans, qui fut lui-même un monstrueux libertin, mais qui, sentant au moins le besoin que l’état avoit de la religion, ne permettoit pas que le christianisme fût impunément attaqué dans les écrits publics.

Ce fut en Angleterre, il est vrai, que par leur Collins et leur Hobbes les libertins commencèrent à se donner un air de philosophes et à prendre le ton d’être penseurs ; ils le prirent dans quelques productions impies, qui dans le reste de la chrétienté n’auroient joui ni de la même publicité ni de la même impunité. Mais il est aussi vrai de dire que Voltaire auroit été par-tout ce qu’il devint en Angleterre ; il l’auroit été au moins par-tout où des lois peu répressives lui auroient permis de suivre le penchant qu’il avoit à tenir tous les sceptres de l’opinion et de la gloire dans l’empire des sciences et des lettres.

Il ne lui étoit pas donné d’atteindre à la réputation des Bossuet, des Pascal, et de tous les génies qui s’étoient distingués dans la défense de la religion ; il n’aimoit pas leur cause ; il jalousa leur gloire ; il jalousa celle de leur Dieu même. Résolu de combattre son empire, il voulut