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Conspiration des Sophistes

la plume courante de Voltaire en a parsemé des volumes.

Hardi jusqu’à l’impudence, Voltaire brave, nie, affirme, invente, contrefait l’écriture, les Pères, l’histoire ; appelle également le oui, le non ; frappe par-tout également, peu lui importe pourvu qu’il ait blessé. D’Alembert, sur ses gardes, prévoit une réplique qui pourroit le compromettre ; il marche enveloppé de nuages, et toujours de côté, de peur qu’on ne sache où il tend. Qu’on l’attaque, il s’enfuit, il dissimule toute réfutation ; il aime mieux paroître n’avoir pas combattu qu’ajouter au bruit de sa défaite. Voltaire ne demande qu’à connoître ses ennemis ; il les appelle tous. Cent fois défait, cent fois il revient à la charge. C’est en vain qu’on réfute l’erreur ; il la redit, la répète sans cesse ; il voit toute la honte dans la fuite, jamais dans la défaite. Après une guerre de soixante ans il est encore sur le champ de bataille.

Il faut à d’Alembert l’hommage des cotteries ; quarante mains qui applaudissent dans une enceinte académique font son jour de triomphe. Il faut à Voltaire toutes les trompettes de la renommée ; de Londres à Pétersbourg, de Boston à Stockolm, ce n’est pas assez pour sa gloire.

D’Alembert enrôle autour de lui, il forme, il initie les adeptes secondaires, dirige leurs missions, et entretient les petites correspondances. Voltaire appellera contre le Christ les Rois, les Empereurs, les Ministres, les Princes ; son palais est la cour du Sultan de l’incrédulité. Parmi ceux qui lui rendent hommage et qui entrent le plus avant dans ses complots, l’histoire doit enfin distinguer ce Frédéric, qu’elle n’a fait encore connoître que par des titres à la gloire des Rois, ou Conquérans ou Administrateurs.

Dans ce Frédéric IIFrédéric II., dont les Sophistes ont fait le Salomon du Nord, il y avoit deux hommes. L’un est ce Roi de Prusse, ce héros moins digne