Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/223

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liner, à droite et à gauche, à la recherche d’un point d’appui.

Je ne sais comment on pouvait s’empêcher de prendre dans ses bras et de couvrir de caresses ce mignon paquet de chair rose ; pourtant, ses grâces naïves n’avaient apparemment pas attendri le cœur de la mégère qui l’avait sous sa garde.

Elle saisit l’enfant par ses épaules, et se mit à le secouer si rudement, que c’est miracle que le pauvre bébé n’en fut pas disloqué, puis, elle replaça, d’une main tout aussi dure, sur la tête du petit, son chapeau blanc dérangé par les soubresauts de la voiture, le tout accompagné de froncements de sourcils et de paroles de gronderie.

Et pendant ce temps, la mère, à la maison, tranquille et heureuse, songeait avec délices au bien-être que retirait son enfant de cette promenade hygiénique !

On ne devrait pas confier de la sorte, indifféremment, à la première bonne venue, le sein de ces chers êtres, trop faibles pour se défendre eux-mêmes, et trop jeunes pour solliciter une meilleure protection.

Ah ! si ces petiots pouvaient parler, ils en raconteraient bien d’autres !

Combien de fois ne voit-on pas des mioches attendant dans leur voiture, le long des magasins, que celles qui les conduisent aient terminé leurs emplettes, exposés à être renversés par les passants ou maltraités par des hommes ivres.

D’autres fois, les bonnes poussent devant elles la voiture, sans plus s’occuper de son contenu que si elles promenaient des poupées de porcelaine.

Elles ne cherchent à leur épargner ni un heurt, ni une collision. Le soleil aveugle les enfants ou le vent les navre, sans qu’on fasse rien pour les en garantir, l’attention étant distraite ailleurs, soit par la vue des passants, soit par l’étalage mirobolant des vitrines.