Page:Barry - Chroniques du lundi, 1900.djvu/76

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Je m’apitoie sur la vieillesse parce quêtant la plus irrémédiable, elle devrait être, par conséquent, la plus regrettable des infirmités.

Et quand je pense à ces vieillards, qui après une longue vie de luttes et de misères sans doute, n’ont pu vaincre les rigueurs du sort et mendient le pain qui doit encore prolonger une si pénible existence, c’est de toute mon âme que je plains ces malheureux.

Qui racontera leur triste histoire, qui pourra dire ce qui les a réduits à cette humiliante extrémité ! L’ingratitude des enfants peut-être : l’indifférence des parents bien certainement.

Il y a ici, à Montréal, un de ces vieux miséreux qui s’attirerait bien des sympathies, j’en suis sûre, si l’on connaissait comme moi à quelle famille il appartient.

De lui, je ne sais rien personnellement, mais j’ai connu les siens, qui occupent une position très enviable, dans une de nos paroisses du bas du fleuve.

Le frère de ce pauvre mendiant est mort, il y a quelques années à peine, laissant à ses enfants plus qu’une jolie fortune.

Peut-être même, depuis ce temps, quelques-uns d’entre eux ont-ils éclaboussé, au grand train de leurs équipages, ce misérable qui leur tendait la main.

Pourquoi ce pauvre disgracié de la fortune a-t-il été oublié dans la distribution des biens de famille ? Je n’en sais rien.

Pourquoi n’a-t-il pas été compris, au moins, dans les legs destinés aux œuvres charitables ? Je l’ignore. Mais en donnant votre obole, vous feriez de sérieuses réflexions, je vous le jure, sur l’étrangeté des choses de ce monde.

Quelle longue digression ? Où en étais-je arrivée dans le récit de ma lamentable aventure ?… Ah ! m’y voici. Le vieux me tendait la main et j’y déposais ma modeste offrande.