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SIMILIA SIMILIBUS

Tout à l’heure encore, on avait sous les yeux, de l’autre côté de l’eau, le luxuriant versant d’une île de sept lieues de vergers et de gras pâturages. L’ombre épaississante escalade rapidement cette montée de verdure ; lignes, contours et reliefs se dégradent, s’effacent ; peu à peu les objets perdent leur physionomie, et bientôt ce paysage d’émeraude n’apparaîtra plus que comme un immense paraphe tracé à l’encre noire sur l’horizon.

Le dernier objet à disparaître dans la nuit est, sur la plus haute crête de l’île, un grand orme isolé des massifs voisins, planté là comme dans un désert aérien, tendant ses longues branches comme des bras vers le ciel. On ne sait pourquoi, cet arbre seul, nettement détaché sur l’éther comme un point d’interrogation, semble rêveur, et fait rêver…

Tout dans cette sereine soirée d’Arcadie heureuse, parle de Paix — avec un grand P. Tout respire le repos bien gagné, la satisfaction du devoir accompli, l’action de grâces au Créateur de toutes choses, et aussi, dans une note moins solennelle, la joie de vivre !