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NUIT NOIRE

C’est dans un de ces moments que le teuf-teuf de la famille Meunier dut stopper, juste à un tournant du chemin. Ainsi placés, ses phares au carbure projetaient un double cône de lumière sur la lande inhabitée et d’ordinaire déserte qui borde le confluent de la rivière Saint-Charles et du fleuve Saint-Laurent.

— Voyez donc, dit le jeune chauffeur en se retournant tout à coup, tout ce monde là-bas.

En effet, à l’extrémité du triangle lumineux tracé sur le sol par les réflecteurs de la voiture, on croyait percevoir une masse confuse et mouvante comme celle d’un grand attroupement populaire.

La voix du chauffeur s’éleva de nouveau. C’était un jeune gars éveillé, qui avait, comme on dit, les yeux clairs.

— J’ai jamais cru aux histoires de feux-follets, moé, fit-il, mais, nom d’un petit bonhomme ! si c’en est pas, quéqu’c’est donc que ça ?

Et il indiquait du doigt, à quelque distance du mystérieux rassemblement, un point de la grève d’où jaillissaient d’un instant à l’autre, dans l’obscurité, des piqûres blanches comme des