J’avais neuf fils que j’avais mis au monde, et voilà que la Mort est venue me les prendre,
Me les prendre sur le seuil de ma porte ; plus personne pour me donner une petite goutte d’eau ! —
Le cimetière est plein jusqu’aux murs ; l’église pleine jusqu’aux degrés ;
Il faut bénir les champs pour enterrer les cadavres.
Je vois un chêne dans le cimetière, avec un drap blanc à sa cime : la peste a emporté tout le monde.
La peste d’Elliant ne se chante jamais sans qu’on y joigne l’étrange légende que voici :
« C’était jour de pardon au bourg d’Elliant ; un jeune meunier, arrivant au gué avec ses chevaux, vit une belle dame en robe blanche, assise au bord de la rivière, une baguette à la main, qui le pria de lui faire passer l’eau. — Oh! oui, sûrement, madame, répliqua-t-il ; et déjà elle était en croupe sur sa bête, et bientôt déposée sur l’autre rive. Alors, la belle dame lui dit : — Jeune homme, vous ne savez pas qui vous venez de passer : je suis la Peste. Je viens de faire le tour de la Bretagne, et me rends à l’église du bourg, où l’on sonne la messe ; tous ceux que je frapperai de ma baguette mourront subitement ; pour vous, ne craignez rien, il ne vous arrivera aucun mal, ni à votre mère non plus. »
Et la Peste a tenu parole, me faisait observer naïvement un chanteur ; car la chanson le dit :
« Savez-vous, me disait un autre, comment on s’y prit pour lui faire quitter le pays? On la chanta. Se voyant découverte, elle s’enfuit. Il n’y a pas plus sûr moyen de chasser la Peste que de la chanter ; aussi , depuis ce jour, elle n’a pas reparu. »
Comme nous l’avons déjà dit, la Peste d’Elliant a conservé le ton pro-