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LA PESTE D’ELLIANT

phétique de la poésie des anciens bardes, et quelques traces de la forme artificielle qu’ils donnaient à leurs chants. Par exemple, on aura remarqué que sept couplets sur vingt sont des tercets, et que le quatrième est allitéré. Si l’on se rappelle maintenant :

  1. Que dans la poésie vraiment populaire de la Bretagne, les chants sont généralement contemporains des faits qu’ils célèbrent ;
  2. Que les chanteurs ne savent ni lire ni écrire, et n’ont par conséquent aucun autre moyen de transmettre à la postérité les événements de leur temps que de les mettre en vers aussitôt qu’ils se sont passés ;
  3. Que l’événement ici relaté a eu lieu au sixième siècle, dans la paroisse d’Elliant ;
  4. Que le poëte populaire nomme comme un contemporain, un saint personnage appelé Ratian, qui vivait effectivement à cette époque, et habitait entre Langolen et le Faouet, c’est-à-dire à Tourc’h[1] ; enfin, si l’on examine avec une sérieuse attention l’œuvre dans toutes ses parties, peut-être pensera-t-on, comme nous, qu’il n’y a pas lieu de la croire postérieure à l’événement dont elle nous a conservé le souvenir.

Ce que nous ne présentons ici que sous la forme du doute, a été proclamé comme un fait et appliqué à la plupart des chants bretons, par M. Ferdinand Wolf, dans un savant ouvrage où il a bien voulu donner à nos idées le poids de son autorité[2].

Mais si nous faisons remonter jusqu’au sixième siècle la composition du chant breton, nous sommes loin de prétendre qu’il nous est parvenu dans sa pureté primitive.

Probablement nous ne possédons qu’un fragment d’un poëme beaucoup plus étendu. Ce qui est certain c’est que le ton en est épique.

Un intérêt particulier s’attache à lui : il est le premier qui ait été recueilli par ma mère : la pauvre veuve, sous la dictée de laquelle il fut écrit, habitait la paroisse de Melgven. On comprendra aisément, a dit M. Charles Magnin, qu’il ait vivement impressionné une imagination sensible et délicate.

  1. Sanctus Ratianus propter cladem suæœ gentis deprecatus est Dominum, et sic in aliis loeis multis ita et nunc exaudivit illum Dominus quando custodivit locum ejus (Turc’h) a supradicta mortalitate. (V. Cartul. abbat. Landeven. ap. D. Morice, Hist. de Bretagne, t. 1, preuves, col. 175; Cf. D. Lobineau, Vies des saints de Bretagne, Art. saint Gwénnolé ; et l’abbé Tresvaux, ibid, 2e édition, t. 1, p. 99.)
  2. Uber de Lays, p. 336