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INTRODUCTION.

qui ont corrompu le bardisme primitif, en y mêlant des principes hétérogènes. »

La poésie populaire avait fait déjà, du vivant de Taliésin, des conquêtes assez nombreuses pour qu’il crût nécessaire de l’attaquer à force ouverte. Le temps a respecté une satire pleine de verve et de colère, où le barde l’anathématise sous le nom de poésie de kler ou d’écoliers.


Les kler, s’écrie-t-il : les vicieuses coutumes poétiques, ils les suivent ; les mélodies sans art, ils les vantent ; la gloire d’insipides héros, ils la chantent ; des nouvelles, ils ne cessent d’en forger ; les commandements de Dieu, ils les violent ; les femmes mariées, ils les flattent dans leurs chansons perfides, ils les séduisent par de tendres paroles ; les belles vierges, ils les corrompent ; toutes les fêtes profanes, ils les chôment ; les honnêtes gens, ils les dénigrent ; leur vie et leur temps, ils les consument inutilement ; la nuit, ils s’enivrent ; le jour, ils dorment ; fainéants, ils vaguent sans rien faire ; l’église, ils la haïssent ; la taverne, ils la hantent ; de misérables gueux forment leur société ; les cours et les plaisirs, ils les recherchent ; tout propos pervers, ils le tiennent ; tout péché mortel, ils le célèbrent ; tout village, toute ville, toute terre, ils les traversent ; toutes les frivolités, ils les aiment. Les commandements de la Trinité, ils s’en moquent ; ni les dimanches, ni les fêtes, ils ne les respectent ; le jour de la nécessité (de la mort), ils ne s’en inquiètent pas ; leur gloutonnerie, ils n’y mettent aucun frein : boire et manger à l’excès, voilà tout ce qu’ils veulent.

« Les oiseaux volent, les abeilles font du miel, les poissons nagent, les reptiles rampent.

« Il n’y a que les kler, les vagabonds et les mendiants qui ne se donnent aucune peine.

« N’aboyez pas contre l’enseignement et l’art des vers. Silence, misérables faussaires, qui usurpez le nom de bardes ! Vous ne savez pas juger, vous autres, entre la vérité et les fables. Si vous êtes les bardes primitifs de la foi, les ministres de l’œuvre de Dieu, prophétisez à votre roi les malheurs qui l’attendent. Quant à moi, je suis devin et chef général des bardes d’Occident[1].

  1. Myvyrian, t. I, p. 36.