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INTRODUCTION.

Cette curieuse diatribe, éternel cri de l’art contre la nature ignorante, trop violente sans doute pour être prise à la lettre, est cependant d’une grande valeur historique. Le poëte nous apprend quels étaient les auteurs des chants qui couraient dans la foule, et quel était le genre de leurs compositions au sixième siècle.

Il les divise en kler, ou écoliers-poëtes, en chanteurs ambulants, et en mendiants ; il leur attribue des chansons héroïques et historiques; des chansons de fêtes et d’amour, composées sans goût, sans art, sans critique, et dans des formes nouvelles ; les unes sur des événements du temps, ou sur des personnes vivantes, les autres adressées aux femmes et aux jeunes filles, une assemblée d’évêques tenue à Vannes, en l’année 465, défendait aux prêtres armoricains, aux diacres et aux sous-diacres, d’assister aux réunions profanes où l’on entendait ces chants érotiques[1], et comme s’ils eussent redouté, jusque dans le sanctuaire, l’invasion de la musique profane, ou comme si elle y était déjà entrée, ils prescrivaient au clergé d’Armorique d’avoir une manière de chanter uniforme[2].

Gildas, en s’élevant contre les prêtres qui prennent plaisir à écouter les vociférations de ces poëtes populaires, colporteurs de fables et de bruits ridicules, plutôt que de venir entendre, de la bouche des enfants du Christ, de suaves et saintes mélodies[3], non-seulement confirme l’autorité de Taliésin, lorsque le barde appelle les ménestrels des conteurs de nouvelles, mais encore nous révèle dans la poésie armoricaine du sixième siècle un troisième genre, non plus

  1. Ubi amatoria cantantur. (Conc. Ven., ap. D. Morice. Histoire de Bretagne pr., .I, p. 184.)
  2. Ut inua provinciam, psallendi una sit consuctudo. (Ibidem, p. 184.)
  3. Præconum ore ritu bacchantiumm concrepante….. ad ludicra et ineptas sæcularium fabulas strenuos et intentos… Canora Christi, tyronum voce suaviter modulante. (Gildas, Epist., p. 13 et 22, ap. Gale )