rieux. On aura remarqué combien la première offrait de lacunes ; les chants nationaux, en particulier, y étaient peu nombreux, et cependant j’entendais souvent citer les titres ou des vers de plusieurs que je ne pouvais me procurer. Comment y parvenir ? J’avais interrogé en vain les habitants de la vallée : la plupart m’avaient avoué leur ignorance, et je les crus sans peine, car, tout en se faisant prier, aucun n’avait jamais refusé de chanter ; leur nature peu belliqueuse achevait de me persuader qu’ils devaient attacher une assez médiocre importance à des ballades dont leurs pères n’étaient pas les héros. Dans les montagnes, où le caractère est tout différent, mes demandes n’obtinrent pas d’abord un résultat plus favorable, quoique je lusse dans les yeux des personnes que j’interrogeais, en les mettant sur la voie, et en les pressant un peu, qu’elles auraient pu me satisfaire. Mais je n’étais pas connu ; je me présentais seul, et le montagnard est défiant. D’ailleurs il lui semblait étrange de voir un monsieur parcourir les campagnes pour recueillir des chansons : si quelque gentilhomme s’adressait à lui, c’était le fusil et non le portefeuille sous le bras ; c’était pour lui demander où gîtait le lièvre, où remisait la perdrix, et non pas s’il savait la ballade d’Arthur ou de Noménoë. Il se taisait donc, et le plus souvent il souriait de cet air narquois et important qu’il prend volontiers quand il veut montrer qu’il n’est pas dupe. Mais le manoir et le presbytère vinrent à mon aide, et devant ces deux puissances morales, les soupçons du paysan tombèrent, et sa langue se délia. Alors, et en pénétrant plus avant dans sa confiance, je connus le secret motif de son extrême réserve.
Les chants nationaux dont je lui avais étourdiment jeté à la tête un vers ou le titre, étaient précisément ceux