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ainsi les poëtes nouveaux ne brisèrent point la harpe des anciens bardes, ils y changèrent seulement quelques cordes. Ce fait, dont les monuments gallois des cinquième et sixième siècles nous offrent la preuve, est appuyé sur deux chants bretons de même date. L’auteur du premier met en scène un saint, doué, comme les anciens druides, de l’esprit prophétique, et lui fait prédire au roi d’une autre Sodôme la submersion de sa capitale[1] ; le second fait aussi prophétiser à un barde chrétien l’invasion de la peste en Bretagne[2].

Par une coïncidence assez remarquable, Taliesin, à la même époque, prédisait l’arrivée du même fléau, en Cambrie, et en menaçait un chef gallois[3].

Les chants que nous venons de mentionner, en y ajoutant les pièces intitulées : l’Enfant supposé, le Vin des Gaulois, la Marche d’Arthur et Alain le Renard, sont le dernier souffle de la poésie savante des Bretons d’Armorique. Nous allons entrer dans le domaine de leur poésie populaire.


III


Tandis que la muse des bardes d’Armorique chantait sur un mode dont l’art guidait les tons, près d’elle, mais dans l’ombre, une autre muse chantait aussi. C’était la poésie populaire, poésie inculte, sauvage, ignorante ; enfant de la nature dans toute la force du terme ; sans autre règle que son caprice, souvent sans conscience d’elle-même ; jetant comme l’oiseau ses notes à tout vent ;

  1. Submersion de la ville d’Is, p. 63.
  2. La peste d’Elliant, p. 89.
  3. Myvyrian, t. I, p. 27.