Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 2.djvu/301

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notaire, les paysans voulurent le vaincre par la pitié : une seconde femme en haillons, décoiffée, les cheveux épars, suivie de quatre petits enfants à demi nus, vint se jeter à ses genoux, criant miséricorde. Mais il demeura impassible ; et les gendarmes, qui avançaient toujours, allaient fouler aux pieds de leurs chevaux les enfants et la mère, quand les montagnards, indignés, poussant un nouveau cri de fureur, et en agitant dans l’air leurs terribles penn-baz, se ruèrent sur eux avec rage. En vain les agents de l’autorité voulurent-ils résister ; leurs chevaux s’emportèrent, leurs sabres furent brisés, eux-mêmes démontés et repoussés, les hommes de loi mis en fuite, et le notaire emmené prisonnier avec son fils dans une maison voisine, où on le força de signer sur l’heure une renonciation à son projet de congément. Il jugea prudent de céder à la violence, et la foule se dissipa, satisfaite et calmée.

Le soir, quelques-uns des paysans qui revenaient du bourg se rendirent au château.

— Hé bien, tout est fini, dirent-ils triomphants à M. du Laz ; nous avons gagné la partie : nous avons bien su le forcer à se désister ; il a signé, son fils aussi. Voilà le contrat ! —

Pour toute réponse, M. du Laz alla prendre le Code civil, et leur lut en breton l’article 1113 : La violence est une cause de nullité de contrat.

Les montagnards restèrent confondus, et prièrent le bon gentilhomme d’intercéder pour eux auprès de la justice.

— J’essayerai, leur répondit-il; mais le cas est grave : vous êtes coupables, et méritez d’être punis. —

Quatre des principaux chefs du complot furent en effet mis en prison, pour l’exemple et pour faire comprendre la loi ; les autres furent acquittés.

Quelques mois après, M. du Laz, étant allé a la ville un jour de marché, vit venir à lui un vieillard dont la belle tête blanche et l’air vénérable inspiraient le respect.

— Je n’ai pas l’honneur d’être connu de vous, lui dit le vieillard en le saluant ; cependant j’ai une dette sacrée qu’il me tardait de vous payer : je vous dois la conservation de ma fortune et peut-être la vie ; sans votre ingénieuse et puissante intervention, j’étais ruiné ou tué par mes domaniers. Je suis le notaire L...