Page:Barzaz Breiz 4e edition 1846 vol 2.djvu/498

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nation du Breton la revêt sans doute, avec trop de complaisance, de mille formes merveilleuses que la religion et la raison proscrivent comme superstitieuses ; qu’importe, si elle le rend meilleur en le rendant heureux ? Sa foi est crédule, à coup sûr, mais elle est sincère, elle est inébranlable, elle est pratique, et fait la règle de ses mœurs. D’ailleurs aucune de ses croyances ne peut avoir de conséquences fâcheuses ; aucune ne ravale la dignité de l’homme ; toutes, au contraire, sont de nature à élever l’esprit et le cœur. Les saints dont il accueille les yeux fermés tous les miracles sont les héros à la fois de sa religion et de sa patrie ; c’est lui-même qui les a canonisés pour la plupart : ils lui ont été bons et secourables pendant leur vie : il espère en eux après leur mort. L’un défend ses soldats sur le champ de bataille ; l’autre, ses matelots dans la tempête. Les âmes dont il peuple l’air, et dont la voix gémit par celle des vents de la nuit, ou par la bouche des mendiants réunis à sa porte, l’hiver, sont celles de son père, de sa mère, de ses amis en peine, qui demandent qu’il les délivre par ses aumônes et ses prières.

N’y a-t-il pas un vif aiguillon pour la sensibilité, pour la reconnaissance, pour l’amitié, pour le dévouement, pour la pitié, pour tous les sentiments les plus tendres du cœur, dans l’accomplissement même superstitieux des devoirs envers les parents et les amis qui ne sont plus ? N’est-ce pas du reste un bonheur que de les pleurer ? N’est-ce pas s’oublier soi-même que de les oublier ? Ah ! ce serait faire un bien cruel et bien triste usage de la raison que de l’employer à détruire ces douces croyances qui entretiennent l’amour de Dieu, le culte des bienfaiteurs de la patrie, et le souvenir de ceux qui ont dévoué leur vie au salut ou au bien-être de l’humanité.

De même, la forme souvent bizarre donnée par le Breton aux croyances les plus terribles de sa religion ne doit pas rebuter ; il voit la justice divine à son point de vue ; on peut la voir à un autre ; mais qu’on l’environne de symboles différents, ou qu’on