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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

travail. Je me donne encore un an. Une année pendant laquelle je travaillerai plus ferme encore qu’avant. A quoi sert le désespoir ? Oui, c’est une phrase qu’on dit quand on en est un peu sorti, mais quand ça vous tient…

Enfin, mon ange, le désespoir ne fera rien venir et puisqu’il n’y a rien à faire, travaillons. Je pourrai toujours me décourager après. Puisqu’il faut traîner cette vie dans l’espérance d’un sort meilleur, occupons-la. Je n’ai rien trouvé pour en sortir ; alors, que je lise ou dessine, n’est-ce pas la même chose ? Savez-vous que voilà de singuliers raisonnements pour m’amener à travailler ? Ce n’est même plus un pis aller !.. C’est que je crains qu’après, je ne me dise : si, au lieu de rester à l’atelier, tu avais songé à toi, tu aurais peut-ètre trouvé ?…

Tout ce que vous voudrez ! Il y a peul-êếtre moyen, mais je ne sais que faire. Voyez-vous, c’est atroce, mais je reviens toujours à la possibilité d’amener mon père ici… Ah bien oui ! Savez-vous ce qu’il fait ? Il remet sa maison à neuf pour nous recevoir. MerciI J’y ai été et cela suffit. Mes mères sont incapables de rien, et moi, j’ai la bassesse d’avouer que je suis incapable de les pousser, et puis cela n’aboutirait pas. C’est au moment où l’on renonce à chercher qu’on trouve. De toute façon la peinture ne peut me nuire… C’est que je ne suis pas du tout secondée !… au contraire. Va, mon ange, donne-toi des excuses pour cacher ton manque d’intelligence. Romans ! chansons ! Oh ! voyez-vous !  !  ! j’écris, je pense, j’invente, je songe ! Et puis, je m’arrête et c’est toujours le même silence, la mème solitude, la mėmė chambre. L’immobilité des meubles me semble comme