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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Samedi 8 iars. J’ai essayé de modeler, mais je n’ai jamais vu comment cela se fait, et ne sais rien. Les jardinières et les vases sont remplis de violeltes. J’en aurai longtemps, elles sont en terre. Le satin bleu, ces violettes et la lumière qui vient d’en haut, la harpe… Pas un bruit, personne… Je ne sais pas pourquoi j’ai si peur de la campagne ; je n’en ai pas peur, mais je ne la recherche pas… Enfin, tout cela est ravissant pour se reposer, mais je ne suis pas fatiguée, moi ! Je m’ennuie. Dimanche 9 mars.

Savez-vous que c’est une grande consolation que d’écrire ! Il y a des choses qui vous détruiraient si vous ne les destiniez à être lues et par conséquent « divisées à l’infini ». Je suis contente de trouver qu’un homme comme Dumas fasse cas de la qualité du papier, de l’encre, des plumes. Parce que chaque fois que quelque accessoire m’empêche de travailler, je me dis que c’est paresse et que les grands peintres n’avaient pas de manies… Attendez… je comprends que, subitement inspiré, Raphaël dessine sur un fond de tonneau sa Vierge à la chaise, mais je crois bien pourtant que ce même Raphaël, pour peindre et achever ce mème tableau, a eu recours à tous ses outils favoris et que, si on le forçait à peindre à une place contre son gré, il serait énervé comme je le suis, simple mortelle, à l’atelier Julian. Mercredi 12 mars. — Je veux aller me pendre ! Quel que grandiose et impossible et stupide que vous paraisse cette idée de me supprimer, il faudra bien en finir par là.

La peinture ne va pas. Je pourrais, il est vrai, dire que depuis que je peins, je ne travaille que n’importe H. B. — II,

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