Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/133

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
128
JOURNAL

Jeudi 3 avril. Après tout, la vie est bonne, je chante et je danse quand je suis toute seule, car la solitude complète est une grande jouissance. Mais quel supplice, quand elle est troublée par les domestiques ou par la famille !.. Pourtant la famille ?… Écoutez, ce matin, en revenant de l’atelier, je me suis imaginée heureuse, et vous ne pouvez croire quelle tendresse j’ai trouvée au fond de mon ceur pour tous les miens, pour cette bonne tante, toute dévouement et abnégation ; mais voilà, je ne suis La petite Elsnitz me rend la vie amère. Je ne prends plus de thé parce qu’elle le verse. et quand je suis obligée de manger du pain qu’elle a touché de ses mains !  !  ! Jegagnerais un anévrisme en courant comme une folle par les escaliers pour faire une seconde de chemin sans elle, en la devançant. Pour prendre la carafe ou le vinaigrier, je les prends tout au rebours pour ne pas toucher ce qu’elle a touché. Elle a de l’insecte, cette pauvre fille, et son air plaintif et ses ongles noirs me font mal et m’éceurent. pas

heureuse. Samedi 5 avril. Robert-Fleury malade a à peine

corrigé ; d’ailleurs, ce que j’ai fait n’est pas fameux. Sarah

veut me réconcilier avec Breslau, je fais des difficultés, mais j’en serai heureuse au fond. La verdure artificielle sur la cheminée a pris feu à des bougies

Mais les malheurs n’arrivent pas parce que les glaces craquent ; ce sont les glaces qui craquent parce que les malheurs doivent arriver ; il faut savoir gré de l’avertissement.

eues, et la glace a craqué. Dimanche 6 avril. — J’ai un petit chapeau du matin