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JOURNAL

coupables, infàmes, vendus. Est-ce qu’on expose un prince, l’espoir d’un parti ? Un fils ?… Non, je ne crois pas qu’il y ait une seule bète fauve qui ne s’attendrisse en pensant à la mëre ! Les plus affreux malheurs, les pertes les plus cruelles, laissent toujours quelque chose, un rayon, un soupçon de consolation, d’espoir… Ici, il n’y a rien. On peut dire sans craindre de se tromper que c’est une douleur comme il n’y en a jamais.eu. 1l est parti à cause d’elle, elle l’ennuyait, le tourmentait, ne lui donnait pas 500 francs par mois et lui rendait l’existence difficile. L’enfant est parti en mauvaise intelligence avec sa mère. Voyez-vous toute l’atrocité de la chose ? Voyez-vous cette femme ?

Il y a des mères aussi malheureuses, mais aucune n’a pu ressentir autant le coup ; car l’impression universelle augmente la douleur d’autant de millions de fois qu’il y a de bruit et de sympathie ou mėme d’injure autour de cette mort. Le monstre qui lui a annoncé cette nouvelle aurait mieux fait de la tuer. Je suis allée à l’atelier et Robert-Fleury m’a fait beaucoup de compliments, mais je suis revenue pour pleurnicher encore et puis j’ai été chez Mme G. où tout le monde est en deuil et les yeux gonflés, à commencer par ceux de la concierge. M. Rouher est resté une demi-heure sans parler. On a cru que c’était fini, et puis il n’a cessé de pleurer tout le temps. Et Mne Rouher a eu toute la soirée des crises nerveuses, criant que son mari allait mourir et qu’elle voulait mourir. Alors Mme G. interrompt son récit, et avec conviction : — Vraiment, dit-elle, dans des moments pareils, on devrait s’arranger pour ne pas avoir des attaques de