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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

DE MARIE BAŞHKIRTSEFF. 159

faire du thé ; un encrier et une plume, un seau, un broc, des toiles en quantité, des caricatures, des études, des esquisses.

Demain, j’étalerai quelques dessins, mais je crains qu’ils ne fassent paraitre mes peintures plus mauvaises. Un bras d’écorché et une jambe grandeur nature. Un squelette, une boite de menuiserie. Il me faudrait encore l’Antinoüs.

Mercredi 25 décembre. — Nous sommes allées voir le Père Didon au couvent des Dominicains. Ai-je besoin de vous dire que le Père Didon est le prédicateur dont la gloire grandit à vue d’eil depuis deux ans et dont, en ce moment, tout Paris s’occupe. Il était prévenu ; aussitôt que nous arrivons, on va l’appeler et nous l’attendons dans une cellule de réception, toute vitrée avec une table, trois chaises et un bon petit poéle ; j’avais déjà vu son portrait hier et je savais qu’il avait des yeux splendides.

Il arrive très aimable, très homme du monde, très beau avec sa belle robe de laine blanche qui me rappelle les robes que je portais autrefois. Sans la tonsure, ce serait une tête dans le genre de celle de Cassagnac, mais plus éclairée, les yeux plus francs, l’altitude plus naturelle, quoique très haute ; un visage qui commence à devenir épais et qui a le même quelque chose de désagréablement de travers dans la bouche que Cassagnac ; mais une grande distinction, pas de charme outré de créole, un teint mat, un beau front, la tête haute, des mains adorablement blanches et belles, un air gai et même, autant que possible, bon garçon. On voudrait lui voir une moustache. Beaucoup d’esprit, malgré un grand aplomb. On voit tellement qu’il mesure toute l’étendue de sa vogue,