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JOURNAL

trer partout et de dire des bêtises à tout le monde ; mais il était sept heures ; il fallut prendre un fiacre qui, au bout de dix pas, flanque son cheval par terre, et nous descendons ; on ramasse la bête et nous nous remettons en chemin.

Sans compter qu’en tramway il y avait un couple. très innocent à côté de nous, que nous avons fait poser. en nous racontant entre nous des histoires, comme. celle de cette jeune fille qui, dans un déraillement de chemin de fer, a reçu un choc si violent que ses deux genoux lui étant entrés dans la poitrine, lui sont sortis dans le dos.

Dimanche 28 décembre. Paul se marie, moi

je consens. Je vais vous dire pourquoi. Elle l’adore et tient beaucoup à l’épouser. Elle est d’assez bonne. famille, connue, du méme pays, voisine, assez riche, jeune, jolie et, d’après ses lettres, bonne nature. Et puis, elle y tient. On croit qu’elle a un petit peu la tête montée, parce que Paul est fils d’un maréchal de noblesse et qu’il a une famille chic à Paris. Raison de plus pour que je consente. Grâce à la négligence de Rosalie, ma lettre à Paul ne lui est jamais parvenue. Maman a consenti ; la jeune fille lui a envoyé, le télégramme suivant : « Contente, heureuse, remercie maman à genoux, revenez vite. — Alexandrine. » On dit que la pauvre petite a peur de la famille de Paris, de moi, si fière, si hautaine, si dure. Non, ce n’est pas moi qui dirai « non » ; bien que n’ayant jamais. aimé comme elle aime, je ne veux pas prendre sur ma. conscience de causer du chagrin à qui que ce soit. C’est facile à dire qu’on, est ça et ça et qu’on va devenir mauvais, mais quand l’occasion seprésente de faire de lạ peine à un concitoyen de la terre, on n’y regarde,