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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

ĐE MARIE BASHKIRTSEFF, 171

je n’aurais que six jours et ce n’est pas possible ! Alors je suis perdue et je ne vous cacherai pas que je pleure de dépit et aussi parce que rien ne me réussit. Je tiens une idée, un sujet à sensation qui ferait de l’effet, malgré l’imperfection de l’exécution ; qui me donnerait cette année ce que je pourrais à peine avoir dans un an… et tout est fini. Tout s’effondre. Le travail à moitié fait, l’actualité, tout est perdu sans retour. Voilà ce qui s’appelle du malheur. Jugez-moi comme vous voudrez, les drames de Paul m’ont laissée calme et ceci me désespère et m’exaspère. C’est que je ne sais comment expliquer cela, il y a à cela un autre motif que l’égoïsme. Et quand cela serait de l’égoïsme, je suis assez malheureuse, assez abandonnée pour être égoïste.

Alors tous les réves pour cette année s’évanouissent. Attendre encore ?… toute une année. Croyez-vous que c’était peu ? Je souffre de tant de choses tous ces jours ; je croyais trouver des consolations dans ma peinture et vous voyez comment tout s’arrange. Et ma pauvre peinture sacrifiée, mes ambitions déçues, les satisfactions que je pourrais avoir, perdues ou ajournées, est-ce que ça les consolera ou les sauvera, là-bas, Paul et sa fiancée ? Les sacrifices, les malheurs inutiles sont triplement douloureux.

Maintenant, tout est saccagé, gáché. Mais, pour eux, tout s’arrangera, ils se marieront ; un mois plus tot, un mois plus tard ne signifie rien, et si le mariage ne se fait pas, ce sera peut-être heureux pour tous les deux. Tandis que pour moi, ici, il s’agit d’aller vite ; huit jours de relard, et je suis en arrière d’une année. Enfin, que voulez-vous ? c’est absurde, peut-être, mais moi j’en suis désespérée à en pleurer, là, comme pour