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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

petits qui rapportent de l’argent, mais ne donnent aucune satisfaction.

Ce brave Tony m’a prodigué des encouragements sobres, mais bien sentis. Je puis, si je veux, avoir « beaucoup de talent », et par là vous comprenez, il n’entend pas comme maman ce que j’ai à présent. « Beaucoup de talent, » c’est lui, c’est Bonnat, c’est Carolus, c’est Bastien, etc. Il faut faire des études sérieuses, peindre des torses chez moi pour me préparer à faire des tableaux. Ne pas songer à autre chose qu’à ma peinture, m’y adonner. Je suis admirablement organisée. En fait de femme, il n’y a que moi et Breslau qui comprenions si bien le nu. Peu d’artistes dessinent une académie comme elle ou moi. En somme, c’est très étonnant ce que j’ai fait là en dix-huit jours, après deux ans d’étude ; mais il ne faut pas m’arrêter à ces succès-là, « pas de ces satisfactions-là !  ! » Monsieur, je ne l’ai pas fait pour moi. Il sait bien, mais il faut éviter de subir ces influences, il faut voir plus loin, plus sérieux. Je puis arriver où je veUr. Le génie ne s’acquiert pas ; mais pour avoir du talent il faut travailler, surtout ne pas croire aux compiments qu’on me fait ; Iui,

Mais, Monsieur, si vous disiez autre chose, je serais désolée.

il ne dit que la vérité. Allons, que je travaille, que je m’applique et j’arriverai où je veux !

Jeudi 25 mars. Je donne les dernières touches au tableau, mais je ne peux plus travailler, car il n’y a plus rien à faire, ou il y a tout à refaire. C’est fini pour une chose faite à la diable. Mon tableau est de 1m70 de haut avec le cadre.