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JOURNAL

Je crois qu’il n’est pas enchanté de partir… Le Mont. Dore, Biarritz, lout s’envole… Il m’a baisé cent fois les mains en me suppliant de penser à lui. —— Vous penserez quelquefois à moi, dites, oh ! je vous en prie, vous penserez à moi ? Quand j’aurai le temps ! Mais il a tant demandé qu’il m’a fallu dire un oui très léger. Ah les adieux sont tragiques, de son côté du moins. Nous étions près de la porte du salon tous deux et, pour lui laisser de moi unsouvenir noble, je lui tendis gravement ma main à baiser, puis nous nous sommes serré la main gravement. Je suis restée un bon moment rêveuse. Il va me manquer, cet enfant. 1l m’écrira. Vous savez que depuis quelques jours Paris est fou de petits cochons. Ça s’appelle des porte-veine et c’est fait en or, en émail, en pierreries, en tout au monde. J’en porte un en cuivre depuis deux jours. A l’atelier, on prétend que c’est grâce au cochon que j’ai fait un bon morceau de peinture. Eh bien ! ce pauvre Casimir emporte, en souvenir de moi, un petit cochon. J’ai envie de lui donner l’Évangile de saint Matthieu avec cette dédicace : « -Le plus beau livre qui soit au monde et qui réponde à toutes les dispositions de l’âme. Il n’est pas besoin d’être sentimental ou bigot pour y trouver du calme et des consolations. Gardezle comme un talisman et lisez-en une page tous les soirs en souvenir de moi, qui vous ai peut-être failde la peine, et vous comprendrez pourquoi c’est le plus beau livre qui soit au monde. » il pas mieux se borner au petit cochon. D’abord, il ne comprendra pas saint Maltthieu. Mais, le mérite-t-il ? Et ne vautDimanche 20 juin.

J’ai passé la matinée au