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part pour le lac Saint-Fargeau. Je ne vous peindrai pas cette course d’une heure entière par des tas de petites rues assez vides. Nous arrivons ; le lac Saint-Fargeau n’est pas un lac, mais une mare d’eau affreuse. Il est neuf heures et demie ; mais à peine sommes-nous à table, qu’il pleut. Déménagement dans une salle de conférence immense. Je monte sur une chaise : « Messieurs, je suis une opportuniste avant tout ; or, comme à l’heure qu’il est il est opportun de manger, je propose de nous remettre à table. » Vers dix heures, nous songeons au feu d’artifice que nous devions voir du haut des buttes Chaumont. A la porte du restaurant se retrouve notre angélique cocher. Il est gris, mais fait preuve d’un talent d’ambassadeur dans les passages đifficiles. En effet, des cris de : « A bas les voitures ! » se font entendre ; mais nous répondons par : « Vive la République ! »

Vendredi 16 juillet. bien ma peinture et A… est obligée de dire que ce n’est pas mal, car Julian est plus sévère que Tony. Je suis folle des éloges de Julian. Nous partons demain et je subis les ennuis de la veille des départs, paquets, etc., etc. Il est heureux que je parte, sans cela l’atelier n’irait plus si bien. J’en suis, à l’heure qu’il est, le chef incontesté. Je donne des conseils, j’amuse, on s’extasie devant mon euvre ; je mets de la coquetterie à être bonne, gentille, obligeante, à me faire aimer, à aimer les camarades et à les consoler par des fruits ou des glaces. L’autre jour, je suis sortie et on se mit aussitôt à dire du bien de moi. Mle Marie D… n’en revenait pas encore — Julian trouve très bien, très en le racontant, et Madeleine, qui dessine comme vous savez, veut se mettre à peindre et se met sous mon aile