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JOURNAL

de vivre ! pendant lequel je fume et lis des romans. Mardi 17 août. — Mon tableau en plein air est abandonné, vu le mauvais temps.

J’en ai fait un autre (toile de 15). La scène se passe chez le menuisier : à gauche, la femme essaie au petit, qui a dix ans, le costume d’enfant de chœur ; la petite fille, assise sur une vieille caisse, regarde son frère, ébahie ; la grand’mère est près du poêle, au fond, les mains jointes, et sourit en regardant l’enfant. Le père, près de l’établi, lit la Lanterne et regarde de travers la soutane rouge et le surplis blanc. Le fond est très compliqué, poêle, vieilles bouteilles, outils, un tas de détails un peu bâclés naturellement. Je

n’ai pas le temps de finir, mais j’ai fait ce tableau pour me familiariser avec ces choses. Des êtres en pied, les planchers, les autres détails m’épouvantaient, et je ne me risquerais qu’en désespérée si je devais faire un tableau d’intérieur. Maintenant cela me connaît, non pas que je le fasse bien, mais je n’en ai plus peur, voilà.

Les têtes de mon premier plan ont trois doigts de hauteur à peu près.

Et il y a eu les robes et tout à faire, je n’ai jamais fait que du nu, sauf dans mon méprisable tableau du Salon. — Et des mains ! il y a six mains et demie. Je n’ai jamais eu la persistance de mener à bonne fin un écrit. L’événement arrive, j’ai l’idée, je fais le brouillon et, le lendemain, je vois dans les journaux un article qui ressemble au mien et rend le mien inutile, que je n’ai du reste jamais fini, ni mis en état convenable. La persistance en art me montre qu’il faut un certain effort pour vaincre la première difficulté ; il n’y a que