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JOURNAL

gens de talent se sont livrés entre vingt et trente ans. » Cette phrase, cueillie dans Balzac, me flatte. Mais voici : j’ai loué un jardin à Passy, rue du Ranelagh, 45, pour faire des études en plein air. Je commence par Irma, nue, sous un arbre, nu-corps, grandeur naturelle.

Il fait assez chaud encore, et il faut se dépêcher. Voilà comment se passe la vie. Enfin, j’aime autant cela ; je ne sais ce qui fait que j’ai comme des appréhensions de je ne sais quoi ; il me semble qu’il va m’arriver des ennuis, des… Enfin, enfermée seule, travaillant, je me croirai à l’abri… ; mais les hommes sont si bêtes, si méchants qu’ils vont vous chercher dans votre coin pour vous faire de la peine. Mais

que peut-il arriver ? Je ne sais : quelque chose qu’on inventera ou dénaturera ; on me le redira et j’en aurai la peine…

Ou bien il arrivera quelque vilenie… pas grave, mais triste, humiliante, dans mon genre enfin. – Tout cela m’éloigne de Biarritz. Allez-y done, me disait Mme G…, il faut que vous y alliez, je veux le dire à votre mère ou à votre tante… Enfin vous irez à Biarritz, c’est très élégant, vous y verrez du monde.

Flåte ! comme on dit dans le grand monde. Enfin, pourvu qu’on me laisse tranquille, je veux bien rester dans mon jardin à Passy. Mardi 7 septembre. — Il pleut… tous les pires incidents de mon existence me défilent par la tête, et il y a des choses, lointaines déjà, qui me font sauter et me crispent les mains, comme une douleur physique qui serait arrivée à l’instant. Il faudrait, pour que je fusse mieux, que tout chan-