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JOURNAL

Vendredi 40 septembre. tante. Le D Fauvel, qui m’a auscultée il y a huit jours et qui n’a rien trouvé, m’a auscultée aujourd’hui et a trouvé les bronches altaquées ; il a pris un air… grave, affecté, un peu confus de ne pas avoir prévu la gravité du mal ; puis des prescriptions de poitrinaires, huile de foie de morue, badigeonnage à l’iode, lait chaud, flanelle, etc., etc., et enfin il conseille d’aller trouver le D* Sée ou le D* Potain, ou bien de les réunir chez lui en consultation. Vous pensez bien quelle figure avait ma tante ! Moi, cela m’amuse. Il y a longtemps que je me soupçonne quelque chose, j’ai toussé tout l’hiver et je tousse et étouffe à présent. Du reste, l’étonnant serait que je n’eusse rien ; je serais contente d’avoir quelque chose de sérieux et d’en finir. Ma tante est consternée ; moi, je triomphe. La mort ne m’effraie pas ; je n’oserais pas me tuer, mais je voudrais en finir… Si vous saviez… je ne mettrai pas de flanelle et ne me salirai pas avec de l’iode. Je ne tiens pas à guérir. Il y aura sans cela assez de santé et assez de vie pour ce que j’ai à en faire.

Grand émoi pour ma Vendredi 47 septembre. chez le docteur où je suis allée pour mes oreilles. Et il m’a avoué qu’il ne s’attendait pas à voir la chose si grave, que je n’entendrais jamais aussi bien qu’avant. J’en suis restée comme assommée. C’est horrible. Je Hier, je suis retournée ne suis certes pas sourde, mais j’entends comme on voit à travers un léger voile. Ainsi je n’entends plus le tic tac de mon réveil et peut-être je ne l’entendrai plus jamais qu’en m’approchant. Voila, en vérité, un malheur. Dans la conversation, quelquefois, bien des choses m’échappent… enfin, remercions le ciel de n’être pas encore devenue aveugle ou muette.