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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

des étres qui me sont supérieurs et devant qui je crains de dire avec prétention, tandis qu’en général, il n’y a que des médiocres, des inférieurs, et ceux-là ne savent jamais gré d’une modestie ou d’un aveu de faiblesse. Eh bien, Valentine, je m’agace, parce que le livre m’intéresse assez pour que je le finisse, et en même temps je sens qu’il ne m’en reste rien, que peut-étre une vague impression désagréable ; il me semble que cette lecture me rabaisse, je me révolte et je continue, car il faut que ce soit aussi assommant quele Dernier Amour, du même auteur, pour que je n’aille pas jusqu’au bout. Pourtant Valentine est ce que j’ai lu de mieux de Georges Sand. Le Marquis de Villemer est bien aussi ; je crois qu’il n’y a pasde palelis en ce moment et cela

frenier amant de la comtesse. Dimanche 10 octobre.-Quelques personnes et SaintAmand. ’Nous faisons de la musique et il pleure sur Paul et Virginie. Moi je comprends cet attendrissement irrésistible. J’ai pleuré en lisant ce livre, et la musique de l’Opéra me fait pleurer aux mêmes endroits. Les romans les plus déchirants ne vous causent pas autant de tristesse profonde. — Ah ! vraiment, je sens quelque chose se déchirer en moi et je fonds en larmes. Si on lisait ces lignes, on croirait que je blague ou que je suis devenue folle, tellement j’ai une apparence philosophe et frondeuse. J’ai passé la matinée au Louvre et je suis éblouie ; jusqu’à présent, je n’avais pas compris, comme ce matin. Je regardais et je ne voyais pas. C’est comme une révélation. Avant, je voyais, j’admirais poliment, comme la très énorme majorité de l’univers. Ah ! quand on voit et sent les arts comme moi, on n’est pas une âme ordi-