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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Mardi 19 octobre. Hélas ! tout cela va se réduire à mourir dans quelques années, misérablement, en traînant.

Je soupçonnais bien un peu que cela finirait ainsi. On ne peut pas vivre avec une tête comme la mienne, je suis comme les enfants qui ont trop d’esprit. Il me fallait trop de choses pour étre heureuse, et les circonstances se sont groupées de telle façon que je suis privée de tout, sauf du bien-être physique, Lorsqu’il y a deux ou trois ans, et même il y a six mois, j’allais chez un nouveau médecin pour retrouver ma voix, il me demandait si je n’éprouvais pas tel ou tel symptôme, et comme je répondais « non », il disait à peu près ceci : — Il n’y a rien aux bronches, ni aux poumons ; c’est seulement le larynx. sent, je commence

A préà ressentir toutes ces choses —

que commençait par supposer le médecin. Donc, les bronches et les poumons sont atteints. Oh ! ce n’est encore rien, ou presque rien. Fauvel a ordonné de l’iode et un vésicatoire ; naturellement j’ai poussé des cris d’horreur, j’aime mieux me casser un bras que de subir un sinapisme. Il y a trois ans, en Allemagne, un médecin des eaux m’a trouvé je ne sais quoi au poumon droit, sous l’omoplate. J’en ai bien ri ; et encore à Nice, il y a cinq ans, je sentais parfois comme une douleur à cet endroit ; seulement j’étais convaincue qu’il allait me pousser une bosse, ayant deux tantes bossues, les seurs de mon père, et voilà qu’il y a quelques mois encore, on me demandait si je ne sentais rien là, et je répondais « non », sans y songer. A présent, quand je tousse ou seulement respire profondément, je le sens là, à droite, dans le dos. Toutes ces choses ensemble me font croire qu’il y a peut-étre quelque chose vraiment… Je mets une sorte d’amour-propre