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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Et qu’est-ce qu’il y a donc en nous pour que, malgré de beaux raisonnements, malgré la conscience que tout mène à rien, nous criions tout de même ! Je sais que, comme tous les autres, je vais à la mort, au néant ; je pèse les circonstances de la vie qui, quelles qu’elles soient, me paraissent misérablement vaines, et pourtant je ne puis me résigner ! C’est donc une force, c’est donc quelque chose, ce n’est donc pas « un passage », une durée de temps qu’il importe peu de passer dans un palais ou dans une cave ; il y a donc quelque chose de plus fort, de plus vrai que nos folles phrases sur tout cela ! C’est donc la vie enfin, non pas un passage, une misère ; mais la vie, tout ce que nous avons de plus cher, tout ce que nous avons même du tout ? On dit que ce n’est rien, parce qu’on n’a pas l’éternité. Ah ! les fous !…

La vie est nous ; elle est à nous, elle est tout ce que. nous ayons ; comment est-il donc possible de dire que ce n’est rien ? Pour que cela ne soit rien, montrez-moi à côté quelque chose ! Je suis allée chez Tony et j’en Jeudi 30 décembre.reviens réconfortée un peu. Il m’engage beaucoup à faire ce tableau (l’atelier). Je suis parfaitement capable de le faire grandeur nature, dit-il, ce serait très amusant. Bonne étude et tableau en même temps. Il ne faut pas étre reçue par grâce, mais par mérite ; si cela vient mal, il me le dira ; mais il croit que je m’en tirerai assez bien et me décide à le faire. Puis nous avons causé de moi en général ; nous sommes d’accord sur ce point que les qualités de peinture tardent à se révéler, mais il dit que très souvent cela fait cet effet et puis cela vient, et que, du reste, on n’a jamais rien exigé après trois ans d’études ; que je veux aller trop M. B. —— II.

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