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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Et puis cette idée de le faire faire par deux personnes, ce qui crée une sorte de concours, ce quiest très énervant. Avec mes airs braves, je suis très timide et quand A… est là, je suis i moitié paralysée pour tout et ne sais plus ni poser un personnage, ni… ; c’est très génant, et puis ça m’agace d’étre deux au même sujet. Ah ! ce tableau m’ennuie ! Ah ! je voudrais faire autre chose ! Ah ! ces hauts et ces bas sont impossibles

! D’un mot on me relėve ou on me flanque par

terre et, pour ne pas être désespérée, il faut que Julian et Tony passent leur vie à m’exaller. Quand ils ne font que donner des conseils sans dire ni bien ni mal, je suis par terre.

Vendredi 7 janvier. dont je suis victime à toutes ces dames et, comme tout le monde est pour moi, c’est encore j’ai raison. Plusieurs me disent qu’elles me croyaicnt plus forte et que je me suis laissé rouler. J’en conviens, mais il est si beau de laisser aux autres la spécialité des duplicités et des intrigues. J’ai dit « laisser », ce n’est pas exact, je la leur laisse parce que je me reconnais définitivement incapable d’intrigues et de potins. C’est si fatigant, si ennuyeux, enfin je ne sais pas comment faire. Et puis, c’est aussi une satisfaction de se savoir mieux que les autres. Être roulée et qu’on le sache, mais c’est un sentiment délicieux, c’est presque un brevet d’honnêteté, de candeur… Et la conscience ? Avoir la conscience nette et voir la bassesse des autres, se voir propre et les autres sales, même au préjudice de ses intérêts ; mais le préjudice disparait presque dans ces conditions-là, et plus on est victime, plus c’est une jouissance ! Évidemment, au premier tiraillement, je devrais — Je raconte les canailleries une preuve que

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