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JOURNAL

fiancés. Je les ai accrochés au mur comme document. Selon Zola et d’autres philosophes plus renommés, il faut voir les causes pour comprendre l’effet. Je suis née d’une mère excessivement belle, jeune et bien portante, avec des cheveux bruns, les yeux aussi, une peau éclalante ; —— et d’un père blond, pâle, d’une santé délicate, fils lui-même d’un père très vigoureux et d’une mère maladive, morte jeune, et frère de quatre seurs plus ou moins bossues de naissance… Grandpapa et grand-maman étaient bien constitués et ont eu neuf enfants tous bien portants, grands, dont quelquesuns beaux, par exemple maman et Etienne. Le père maladif de l’illustre produit qui nous occupe est devenu fort et bien portant, et la mère, éblouissante de santé et de jeunesse, est devenue faible et nerveuse, grâce à l’horrible existence qu’on lui a faite. J’ai fini l’Assommoir avant-hier ; j’en ai été presque. malade, tellement saisie par la vérité du livre qu’il me semblait vivre et converser avec ces gens-là. J’étais indignée de vivre et de manger, pendant que ces horreurs se passent autour de moi, plus bas… Tout le monde devrait lire ce livre, on serait meilleur… Mais je suis calmée, surtout parce que mon action isolée serait impossible. Qui donc a nié la question sociale ? Oh ! oui, il faut que tout le monde s’y metle, ah ! oui, il le faut !… mais on traite les socialistes de canailles et de fous, et les socialistes souvent tournent à l’utopie ! O abîme ! Et je ne suis seulement pas capable de faire un article de journal ! Lundi 9 février. Mon tableau, un instant dévoyé à cause d’une figure qui ne s’arrangeait pas, remarche ; je suis légère comime une plume. A une heure, Villevieille et Brisbane, mes principaux