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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

modèles et complaisants à l’infini, viennent avec moiaux Mirlilons. Je ne sais si j’ai mal regardé ou si mes yeux se sont ouverts, ou si Carolus est en progrès, mais je suis éblouie de son portrait : la femme avec la petite fille en rouge ; moi qui n’aimais pas Carolus (son enfant rouge du dernier Salon et sa femme bleue m’ont dégoutée). Mais les deux portrails d’aujourd’hui sont les plus beaux qu’on puisse voir. Je préfère encore la femme et l’enfant, à la femme seule qui est vieille et fardée. C’est un éblouissement. La femme n’est pas belle, mais belle femme, sympathique, maternellc, en robe prune Louis XIII, la poitrine découverte et lumineuse ; la lumière se continue par la téte blonde de l’enfant et se perd dans la main droite de la femme, qui est sur l’épaule de l’enfant. La main gauche tient un éventail et lombe négligemment. Des perles dans les cheveux et aux bras ; les mains sont peu faites et vers le bas du portrait c’est très lâché pour faire valoir les figures et la poitrine : c’est une plaque de lumière superbe sur un fond vert-mousse. Et c’est traité ! C’est large ! Et ça a un aspect de nature ! J’aime mieux ça que les machines enfumées et mortes des musées.

Mon favori, Bastien-Lepage, expose la face du prince de Galles en costume Henri IV, avec la Tamise et la flotte anglaise pour fond ; le fond rappelle celui de la Joconde comme ton. Une tête d’abruti ; ça a tout à fait l’air d’un Holbein, on s’y tromperait, je n’adore pas ça. Pourquoi imiter ? Si c’est une copie, mais ce n’est pas une copie ; enfin, c’est extrêmement réussi comme imitation… Je n’aime pas ça.

Oh ! si je pouvais peindre comme Carolus Duran !… Voici la première fois que je trouve quelque chose