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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

qu’a dit Potain qui me chagrine, et moi je ne puis avouer la vérité, mais je pleure bien ; pas de grimaces ni de sanglots, de belles grosses larmes silencieuses à profusion, qui tombent comme une pluie d’été sans trop détraquer le visage. En somme, Potain n’a pas dit grand’chose de neuf et il m’a donné moyen de rester ici ; mais c’est le tableau de Breslau ! C’est affreux, ça. Enfin, que vous dire ? une journée… J’ai prié Potain d’exagérer mon état et de dire lout bonnement à ma famille que le poumon droit est malade, pour que le père ne soit pas vexé de ce que je reste. Et les voilà tous deux dans la désolalion, marchant sur la pointe des pieds… Ah ! misère ! leurs égards me blessent, leurs concessions m’exaspèrent… et pas un point d’appui ! A quoi me raccrocher ? Ah ! la peinture est une bonne farce ! Vous savez, dans les moments d’ennui, on n’est jamais trop malheureux quand on a un point lumineux quelconque dans son horizon. Je me repliais en disant : Attendons un peu, la peinture nous sauvera. A présent, je doute de tout, je ne crois ni à Tony ni à Julian. Si c’est en pleurant que j’espère bien peindre !  !  ! Lundi 23 mai. — Enfin tout est emballé et nous voilà à la gare. Alors, au moment de partir, mon hésitation gagne les autres ; je me mets à pleurer, et maman avec moi, et Dina, et ma tante ; et mon père qui vient demander quoi faire ? Je réponds par des larmes ; la cloche sonne, nous courons au wagon où on ne m’avait pas pris de billet et on monte dans un compartiment ordinaire (ce que je ne ferais pas). Je veux monter aussi, mais on ferme ; je n’ai pas de billet et | l’on part sans se dire même adieu. – — Voyez-vous, on