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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

ĐE MARIE BASHKIRTŞEFF, 281

où cette idée me donne froid. Mais quand je crois en Dieu j’ai moins peur, quoique… je veuille bien vivre. Ou bien je deviendrai aveugle ; ce serait la même chose, car je me tuerais… Mais qu’est-ce qu’on trouve là-bas ? Qu’importe ? on s’évite quand même des douleurs connues. Ou peut-être deviendrai-je sourde tout à fait ? Je m’acharne à écrire ce mot qui m’écorchait la plume… Mon Dieu, mais je ne puis même pas prier comme les autres fois. —Si c’est la mort d’un proche… de mon père !… Mais si c’est maman ?… je ne me consolerais jamais de lui avoir dit une parole de travers.

Ce qui me nuit sans doute près de Dieu, c’est que je tiens compte des moindres mouvements de mon âme et ne puis m’empêcher de penser que telle pensée peut m’être imputée à mal, et telle autre à bien ; or, dès que je reconnais que c’est bien, il n’y a plus là aucun mérite et toul est perdu. Si j’ai quelque élan généreux, ou bon, ou chrétien, je m’en aperçois aussitôt ; par conséquent, j’éprouve malgré moi de la satisfaction en vue de ce que cela doit, selon moi, me rapporter… Et dans ces considérations-là, le mérite s’évanouit. Ainsi, tout à l’heure, j’ai eu l’idée de descendre, de me jeter dans les bras de maman, de m’humilier ; et naturellement la pensée qui suivit celle-ci fut à mon avantage et tout a été perdu. Puis j’ai senti que je n’aurais pas trop de peine d’agir ainsi et que, malgré moi, je le ferais un peu cavalièrement ou à l’enfant ; car une expansion véritable, sérieuse, dramatique entre nous est impossible ; on ne m’a jamais vue que blagueuse, et ce ne serait pas vraisembiable. On croirait que je joue la comédie. Samedi 9 juillet.

Nous voilà tous partis pour le M. B. — II,

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