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JOURNAL

ler par terre ; un d’eux a été foulé par le taureau ; un vrai miracle qu’il ait échappé. Aussi lui fit-on une ovation.

On lance des cigares, -des chapeaux qu’on renvoie très adroitement. Et les mouchoirs s’agitent et l’on pousse des hurlements sauvages. C’est un jeu cruel, mais est-il amusant ? Voilà ! Eh bien, non ! ce n’est ni passionnant, ni intéressant, c’est horrible et ignoble. Cette bête soi-disant furieuse, qu’on agace avec des manteaux multicolores et à laquelle on plante des espèces d’épées dans le corps. Le sang coule ; plus l’animal se secoue, plus il bondit, plus il se blesse. On lui présente de pauvres chevaux aux yeux bandés, qu’il éventre. Les intestins sortent, le cheval se relève néanmoins et obéit jusqu’à la dernière extrémité à l’homme qui tombe souvent avec lui, mais n’a presque jamais rien.

Ge sang noir sur le sable et ce sang écarlate sur le dos des taureaux. Il y en avait surtout un noir, lorsque nous sommes arrivées, sur lequel c’était comme des bandeletles écarlates ; je le crus d’abord orné de rubans, car ces piques plantées dans la peau ruisselaient. Et quand les chevaux sont morts, le combat continue ; une douzaine de crétins espagnols agacent et criblent de piqûres le taureau, qui bondit et les poursuit ; mais c’est toujours le manteau qu’il rencontre. Et quand, blessé, sanglant, poussant des gémissements de détresse, tête, on lui présente encore ce manteau rouge et on lui donne des coups de pied. Alors le public trépigne, la pauvre bête tombe à genoux et se couche pour mourir dans la pose inoffensive de la vache qui se repose dans un pré. On la tue d’un coup sur la nuque. La musique joue et trois chevaux enrubannés, atlelés à s’arrête et détourne la